Cette page est une cartographie mouvante, une exploration des notions qui façonnent ma pratique architecturale. Ici, les idées ne sont pas figées, mais en dialogue constant avec le réel, traversant les strates du temps, des lieux et des usages.
Le milieu est au cœur de cette réflexion : il n’est ni un simple cadre, ni un décor, mais un tissu vivant d’interactions où se façonnent les formes, les matières et les manières de faire de l’architecture.

Chaque texte est une halte dans ce cheminement, une manière de mettre en mots des pensées en mouvement, nourries d’expériences et de questionnements.

L’architecture est pour moi indissociable de la recherche. Concevoir, c’est interroger, expérimenter et produire du savoir. Chaque projet est à la fois un terrain d’exploration et un espace de création de connaissances. Il s’agit de penser en faisant, de comprendre en construisant, d’articuler théorie et pratique dans un dialogue permanent. Cette approche nourrit une réflexion sur les usages, les formes et les manières dont l’espace peut accompagner les évolutions du monde.

0 . La naissance de Milieux et Manières

 
Il y a plus de 15 ans, lors de mes premières explorations en architecture, un concept a traversé ma pensée et ne l’a plus quittée : les milieux. En 2012, mon mémoire de master, Les enjeux du développement durable dans le processus de conception des espaces publics, m’a ouvert une porte. À travers les écrits de Chris Younès et Augustin Berque, j’ai compris que l’architecture ne se limite pas à construire des formes : elle est un tissage, un dialogue entre le vivant, la matière et le temps.
 
Cette citation de Chris Younes  représente bien le fil conducteur de mes pensées pour mon travail au sein du studio:
« Le milieu est un tissu de relations dynamiques, où le vivant et le construit s’entrelacent dans une résonance mutuelle. Il ne s’agit pas seulement d’un cadre, mais d’une interaction continue qui façonne et est façonnée. »
 
Comme évoque Frédéric Bonnet, « L’architecture des milieux s’interroge sur les manières de faire, sur les limites et la structure de la réflexion, des disciplines, des terrains d’action, des catégories. Le mot « milieux », avant les configurations ou les processus, suggère le partage, la transversalité. L’hypothèse est donc de placer au cœur de la réflexion ces liens : architecture = créer des liens, l’art de construire n’en étant qu’une modalité particulière. L’architecture des milieux est aussi une alternative épistémologique à une définition très compartimentée des connaissances et des métiers.  »
 
Puis il y a eu les années d’agences, d’observations et d’expérimentations. J’ai appris à lire l’espace, à écouter les lieux, à comprendre ce qui les rend vivants. À travers chaque projet, j’ai affiné mon regard, cherché des manières d’habiter qui ne figent pas, mais qui épousent, transforment et révèlent. De cette trajectoire est née Milieux et Manières :
 
Milieux, car l’architecture est avant tout une manière d’habiter le monde, d’entrer en relation avec ce qui nous entoure.
Manières, car chaque projet est une fabrique de gestes, d’outils et de processus qui façonnent ces milieux avec sensibilité.
 
C’est à la croisée de ces deux chemins que s’inscrit mon travail : une quête pour penser autrement l’espace, un engagement pour concevoir des architectures qui prennent soin du monde.

01. Milieux : un fil conducteur de la pratique architecturale au quotidien

 
Comment relever les défis de nos milieux habités aujourd’hui ?
Dans un monde où les questions liées à l’anthropocène occupent le centre des débats, comment l’architecture peut-elle proposer des solutions concrètes et durables ?
Pour nous, la réponse à cette interrogation réside dans un fil conducteur : l’architecture des milieux. Qu’est-ce que cela signifie, et en quoi cette approche peut-elle influencer notre quotidien ?
Plutôt que de proposer une définition figée des milieux — une notion riche et complexe largement explorée par de nombreux penseurs —, nous mettons en avant leur potentiel conceptuel comme un guide vivant et adaptable, éclairant notre démarche architecturale au quotidien.
 
Le fil conducteur des milieux
Plutôt qu’un cadre rigide ou une norme statique, nous envisageons les milieux comme un chemin en constante évolution. Ce chemin, nourri par les interactions entre la nature, les espaces bâtis et les êtres humains, nous aide à naviguer dans la complexité des projets architecturaux et urbains. Non rectiligne ni prévisible, sa capacité à s’adapter constitue son essence et sa richesse.
Ce fil conducteur nous invite à développer les outils et les processus nécessaires pour répondre aux défis contemporains de l’habitat : une approche proactive et responsable, respectueuse de l’environnement, des usages et des histoires des lieux. Construire ne suffit pas : il s’agit de transformer, d’accompagner et de répondre aux aspirations collectives avec une conscience renouvelée.
Inspirés des réflexions de Frédéric Bonnet (notamment dans son article publié dans Le Portique), nous adoptons cette vision comme un langage à part entière, assumant pleinement la responsabilité des transformations qu’induit l’architecture.
 
Des valeurs porteuses d’identité
 
L’architecture des milieux repose sur des valeurs fondamentales, mouvantes et hybrides, à l’image des milieux eux-mêmes. Ces repères sont essentiels pour créer des lieux vivants, en perpétuel dialogue avec leur contexte.
 
L’importance de l’environnement et du vivant : L’interaction avec les écosystèmes, les cycles naturels et la biodiversité constitue le socle de notre façon de bâtir. Le vivant, la lumière, la matière, l’eau et l’air deviennent des fondations indissociables de chaque projet.
L’intensité du sensible : L’atmosphère, la lumière naturelle, la poésie et les dimensions symboliques insufflent une âme aux espaces et régissent notre rapport sensible au monde.
La connaissance des récits : Chaque lieu porte en lui des histoires, qu’elles soient réelles ou imaginaires, et ces récits enrichissent son identité et sa signification collective.
La complexité source d’imagination : La richesse des milieux, qu’elle soit naturelle ou culturelle, liée au temps, au territoire et aux usages, offre un terrain fertile à l’émergence de nouvelles formes d’habiter, aptes à répondre aux mutations sociales, environnementales et culturelles.
 
Ces valeurs nourrissent directement notre manière de concevoir et de construire, en tenant compte des aspirations profondes des sociétés contemporaines. Elles s’inscrivent dans chaque projet de manière unique, en tissant un lien subtil entre les ressources matérielles et immatérielles du lieu.
 
Processus fondamentaux
Pour traduire ces valeurs en interventions concrètes, nous avons défini des processus adaptatifs et sensibles qui permettent à chaque projet de s’ajuster à ses spécificités :
 
Intervention sensible à toutes les échelles : Une approche contextuelle, tenant compte à la fois des échelles micro et macro, et respectant les dynamiques locales.
Régénération et revitalisation : Transformer un lieu, ce n’est pas seulement le rénover, mais lui insuffler une nouvelle vie en harmonie avec ses ressources naturelles et culturelles.
Évolutivité, réversibilité et adaptabilité : Des principes permettant aux espaces de s’ajuster aux usages futurs et aux mutations sociales.
Spontanéité et imprévus : Encourager l’émergence de l’inattendu pour une créativité authentique et contextuelle.
Sérendipité architecturale : Saisir les opportunités imprévues au fil du processus de conception.
Frugalité : Une approche centrée sur l’essentiel, évitant les excès pour privilégier l’impact minimal et la simplicité constructive.
 
La recherche et la conception se nourrissent mutuellement : faire le projet devient une exploration continue, tandis que la recherche guide les choix créatifs. L’observation et l’analyse affinent les intentions, et les dessins, maquettes ou collages traduisent les intuitions en actions concrètes, permettant de s’adapter aux spécificités de chaque projet.
 
 
Travailler sur les milieux revient à tisser des ponts entre les êtres, les espaces et les récits. C’est une invitation à regarder le monde avec un regard neuf, où architecture et imagination s’entrelacent dans une exploration sensible.